https://stories.makesense.org/m/loos-en-gohelle/
En parallèle de la COP21, des actions locales et citoyennes ont elles aussi entrepris à leur échelle de développer des modes de vie plus écologiques. Le Forum Contributif de Loos-en-Gohelle, les 4 et 5 décembre 2015 a réuni habitants, associations, agents municipaux et entrepreneurs locaux autour d’un même objectif : rechercher collectivement des solutions durables pour leur territoire.
Pourquoi Loos-en-Gohelle ?
Cette ville de 7000 habitants située dans le Bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, porte les stigmates de la première révolution industrielle, mais elle est devenue depuis 15 ans, sous l’impulsion de son maire Jean-François Caron, ville pilote du développement durable en France.
D’ailleurs, les délégations de la COP21 et François Hollande devaient initialement s’y rendre le 3 décembre pour gravir les terrils et visiter la Base 11/19, vitrine de l’ADEME. Si l’état d’urgence a remis en cause cet événement qui aurait donné une visibilité plus grande aux efforts de la région pour entrer activement dans la troisième révolution industrielle, le Forum contributif animé par l’association MakeSense a heureusement été maintenu.
Le Forum Contributif a consisté en une série d’ateliers animés par des membres d’associations, des makers ou des experts pour stimuler la réflexion sur des thèmes aussi variés que les déchets, l’alimentation, l’énergie, l’habitat, le partage de savoir-faire, la fabrication, etc.
Guidés par des questions ouvertes, les participants de tous âges et de tous statuts ont exprimé, dans une écoute mutuelle, leurs idées, parfois saugrenues ou irréalisables, mais toujours fécondes pour faire avancer les projets. Certains ont, en outre, contribué au Forum en construisant, en fabricant et en designant des business models.
On peut s’étonner de l’enthousiasme des participants à donner une partie de leur week-end pour réfléchir aux moyens de réutiliser le marc de café, aux meilleures conditions de rénovation des maisons d’un quartier, ou encore pour apprendre à cuire les aliments en économisant l’électricité et à fabriquer un ordinateur à partir de matériaux recyclés. C’est méconnaître l’effet énergisant de l’esprit contributif. Dans le manoir prêté par la mairie, l’enthousiasme et la volonté des participants sont palpables. Ceux qui sont venus sont décidés à poursuivre ensemble la démarche de transition écologique qui fait la fierté cette ville.
Roger Essono, est venu consolider son projet de recyclage du marc de café : “Suite à cet atelier contributif, je vais reconsidérer tout ce qu’on a prévu et m’appuyer sur la valorisation des déchets pour repenser toute la structuration du projet. Je vais également revoir le modèle de financement : au lieu de recourir aux banques, nous allons chercher d’autres types de financements comme le crowdfunding.” Il ajoute, enthousiaste : “Je me rend compte que tout est possible en s’appuyant sur l’intelligence collective. Je repars gonflé à bloc parce que je me dis que je ne suis pas le seul fou de cette terre à penser que les choses peuvent se faire dans cette direction.”
C’est ce qui fait la force de Loos-en-Gohelle : savoir associer depuis le début les citoyens à la transition écologique dans le cadre d’une véritable démocratie participative. Un choix qui s’explique par l’histoire de la région. L’industrie du charbon, tout en enrichissant les habitants, avait façonné des hiérarchies sociales et politiques fortes, et sa disparition brutale a eu des conséquences très lourdes sur les populations ainsi que sur les écosystèmes naturels. Cette histoire particulière a fait naître chez les habitants la volonté de ne plus se voir imposer la transformation de l’extérieur.
La démarche contributive leur convenait donc parfaitement. Elle permet de stimuler les idées puis de mettre à profit l’intelligence collective pour réaliser des solutions innovantes, durables et utiles à l’intérêt général.
Avec ce forum inédit, MakeSense, a expérimenté un nouveau modèle d’engagement citoyen vis-à-vis des innovations. « L’idée était de bousculer le modèle habituel de l’innovation qui veut que les citoyens adoptent passivement des innovations qui sont conçues ailleurs et sans eux » explique Arnaud, de MakeSense. « Or ces innovations ne sont pas toujours adaptées et peuvent provoquer de la disruption, c’est-à-dire des bouleversements sociaux qui détruisent les savoirs existants ». En partant de ce constat, MakeSense a souhaité relocaliser dans le temps et l’espace l’engagement citoyen pour rendre les individus co-créateurs des transformations qui les concernent au premier chef. En véritables connaisseurs de leur territoire et de ses besoins, ils ont pu réellement modeler et s’approprier des idées venues à eux de toute la France.
Pour donner des exemples, plusieurs ateliers portaient sur la problématique des déchets. L’association Grosloos a ainsi proposé un atelier sur la question “Comment mieux composter à Loos-en-Gohelle ?” car près de 30% du volume des ordures ménagères de la ville sont des déchets organiques qui pourraient être compostés et transformé en terreau gratuit. L’association produirait également des jardins partagés avec ce terreau, pour créer du lien social. Cette solution permettrait d’éviter l’émission de gaz à effet de serre en capturant le carbone dans les sols. Elle permettrait en outre de passer à un mode de traitement qui génère plus d’emplois, moins de pollution et coûte moins cher à la collectivité.
L’association CASSED répond aux mêmes enjeux d’optimisation des déchets organiques. Elle collecte le marc de café auprès des particuliers pour produire des pelés qui servent de combustibles pour le chauffage. Des ateliers de réflexion et de construction ont été organisés pour créer une communauté de récupérateurs de café, ainsi que la construction de bacs de récupération individuels et un bac de récupération collectif en palettes récupérées. Une pratique qui a convaincu l’entrepreneur d’utiliser cette méthode de récupération pour passer à l’échelle.