Un texte de Juin 2016 d’ Isabelle Stengers et Serge Gutwirth “Le droit à l’épreuve de la résurgence des commons” (A lire sur : https://works.bepress.com/serge_gutwirth/119/) introduit une distinction au sein des communs (qui sont d’ailleurs appelés “commons” pour garder un objet spécifique et ne pas être trop dilués dans la polysémie du terme “commun” ), au regard de leur situation dans un environnement juridique
Contrairement à la fable de leur tragédie autodestructrice, les commons sont portés par une entente – un gouvernement (E. Ostrom) - et le souci partagé de ne pas détruire la ressource dont chacun dépend.
Leur disparition est donc bien une éradication liée au développement du régime de connivence entre la liberté d’entreprise des propriétaires et la souveraineté du propriétaire au carré, l’Etat. Si la résurgence actuelle des commons peut annoncer un changement de comportement urgent et désirable à l’ère des menaces associées au bouleversement climatique c’est parce qu’elle est porteuse de pratiques réinventant la durabilité. Mais elle se heurte frontalement aux lois et droits en vigueur, qui sont héritières de leur éradication.
Dans leur article les auteurs explorent la difficulté d’articuler le droit en vigueur avec ce qu’exige la
vie des commons. Que ceux-ci génèrent nécessairement le développement de droits locaux et
vernaculaires est au cœur d’une tension fondamentale avec le principe de la prééminence de la loi et du droit.
Une distinction importante introduite dans l’article est opérée entre les commons de la connaissance, qui bénéficient d’un environnement juridique favorable, et les commons historiques, qui ont été historiquement écrasés par le développement dans leur droit même à l’existence.
Les commons identifiés comme “résistants” bénéficient d’une résistance juridique intrinsèque…
Ainsi, et sans que cela en diminue pour autant le mérite, les « ingenious legal hacks »
et « private law work-arounds » des informaticiens ont été facilités par l’esprit de la
législation pré-existante, dont c’est le principe même que les informaticiens ont défendu et
réactualisé. Un tel libre accès transparent au savoir proposé n’est pas chose nouvelle pour les
scientifiques non plus, car il est au cœur des contraintes de leur pratique. Face à la nouvelle
économie de la connaissance qui, aujourd’hui, détermine et corrompt la dimension
irréductiblement collective de leur mode opératoire, la revendication et mise en œuvre d’une
open science expriment également la défense et la réaffirmation de sciences désormais mises
en danger.
Contrairement aux types de commons traditionnels
L’histoire montre abondamment à quel point ces commons résurgents (ou
« renaissants ») furent bannis catégoriquement et écrasés ou « étouffés » en pratique,
d’abord en Occident avec le développement du capitalisme libéral et son système binaire de
propriété privée ou étatique, et puis, mondialement avec la colonisation et la mondialisation.
Pour ceux-là, en conséquence, les questions juridiques se posent autrement, car la législation
en vigueur est tributaire et vectrice de leur éradication. Il n’y a donc ici pas de « moyens »
juridiques évidemment et directement mobilisables qu’il faudrait saisir afin d’obtenir la
reconnaissance juridique de leur existence et de leur causes : il n’y a tout simplement pas de
législation en vigueur à cet effet (sauf, parfois, en ce qui concerne les peuples autochtones, et
encore). Leur résurgence les fait réapparaître, mais dans un milieu qui, contrairement à celui
des « commons résistants », n’est pas seulement nouveau, mais leur est également
juridiquement défavorable.