l y a la propriété privée et la chose publique. Le Marché et l’État. Nous avons été biberonnés à cette division dumonde en deux entités puissantes, souvent concurrentes, capables aussi de s’allier pour le meilleur et pour le pire. Mais la satisfaction de nos besoins passe-t-elle exclusivement par l’usage de biens et de services publics, ou parl’achat et la vente de biens et de services privés ? Non, une autre voie existe : le «commun». Ce paradigme puissants’applique à de nombreux domaines et pourrait renouveler l’imaginaire politique. Il nous faut donc examiner lescontours de ce concept qui connaît une nouvelle jeunesse.Le jour où le monde entier apprit la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine, un mercredià l’aube, j’étais en train de méditer sur la meilleure manière d’aborder ce magnifique sujet : les communs. J’avaisrassemblé un tas de bouquins à côté de mon ordinateur portable, et quelques fruits pour tenir la matinée. Par quoicommencer ? Un peu d’histoire ? Une définition en bonne et due forme ? Bref, je cherchais une entrée en matière plus sexy que la morne structure d’une étude académique. Par ailleurs,mes deux garçons n’étaient pas encore partis à l’école. Une dispute avait éclaté entre eux qui m’empêchait de meconcentrer. Je les ai donc rejoints pour tenter une conciliation. «C’est à moi !», me dit le plus jeune en désignantun petit cheval Playmobil noir avec lequel joue son frère. «Non, c’est à moi !», s’insurge l’autre en écho, «il n’a qu’à prendre le cheval blanc !». Or il se fait que ces figurines, comme la majorité de leurs jouets, ne sont pas attribuéesà l’un ou l’autre des enfants mais appartiennent à l’ensemble de la fratrie. Il faut donc trouver, à toutes les heuresdu jour, des arrangements, des règles d’usage. La tentation est grande, pourtant, d’attribuer définitivement uncheval à chacun, et qu’on n’en parle plus ! Mais tous les parents le savent : ça ne marche pas ainsi. La logique de lavie ne s’en contenterait pas, la fraternité perdrait un peu de son sel et de son sens. Ce matin-là, je le reconnais, maconciliation échoua. Mais je tenais mon entrée en matière. L’enjeu des communs, c’est celui-là, à d’autres échelles et pour d’autres ressources : gérer ensemble l’usage de choses qui sont communes à un groupe humain. J’ai confisqué, provisoirement, le cheval noir et le cheval blanc, et je les ai posés joyeusement sur mes livres. La documentation première, voyez, c’est l’expérience vécue. Je vous promets de ne pas l’oublier tout le long de ces pages consacrée auxcommuns…