Je pense que beaucoup de choses sont encore confuses dans la tête de beaucoup de gens.
L’anarchisme a été diabolisé comme étant le chaos.
Le communisme a été diabolisé aussi suite aux goulags en russie.
La démocratie est confondue avec la notion de majorité (plus largement, “gouvernance” est donc probablement confondue avec “mode de décision”).
Peu de gens ont évoqué dans le débat public le fait que l’URSS a en fait mis en place un capitalisme d’état, et absolument pas le “communisme”. Cette analyse reste très confidentielle.
C’est confus dans la tête de beaucoup (y compris moi, jusqu’à il y a quelque temps), et la confusion est entretenue par le pouvoir en place (« bouh ! le communisme c’est EXTREEEEEME ! l’anarchisme c’est le DESOOOORDRE ! C’est la porte ouverte à toutes les fenêtres !! »).
Le débat est pétri de paralogismes allant de la pente glissante au faux dilemme, en passant par l’homme de paille et autres, agglomérés à une montagne d’idées reçues, alimentées par le FN et d’autres, y compris des personnes de bonne foi, qui parlent simplement trop vite…
Nuit debout a un héritage historique et social, on ne peut pas dissocier les intervenants de leur contexte. Nous sommes dans une civilisation hiérarchisée, à gouvernance et formalisme historiquement forts, à mode de décision “majoritaire” (dictatorial, donc) et ça influence forcément les actions et les décisions.
Il faut du temps, de l’éducation, et beaucoup de bienveillance pour pouvoir s’extraire de tout cela. Il nous faut prendre le temps. Discuter, réfléchir, mûrir, revenir, rediscuter, laisser parler l’autre, l’écouter, cheminer, seul ou ensemble.
Bref, on n’est pas encore sortis du « système », car celui-ci n’a pas encore été totalement identifié (selon moi). Est-ce le capitalisme ? Est-ce le libéralisme ? Est-ce le patriarcat ? La méritocratie ? Une combinaison ? Encore d’autres ?
Je penche personnellement pour « le pouvoir », et toute forme de domination ; en gros ma thèse est que « la violence est systémique » ; elle est la cause, et non la conséquence. Le problème est donc majoritairement éducatif, et remonte à trèès trèès loin (par exemple « la violence est dans la nature humaine », ça fait combien de temps qu’on l’entends ? Pourtant c’est strictement faux d’un point de vue des neurosciences ; la nature humaine, c’est l’entraide, pour peu que le cerveau grandisse dans un environnement propice).
Par ailleurs, je rejoins l’idée que l’anarchisme n’est pas QUE individualiste. Ça c’est le libertarianisme, exemple typique : Georges Sorros (qui finance la quadrature du net, et lutte pour la fin des états, mais c’est un autre débat).
Pour ce qui est de la convergence entre l’anarchisme et le communisme, il y a https://fr.wikipedia.org/wiki/Anarcho-communisme qui existe depuis longtemps
Mais si cela adresse la problématique de la gouvernance, celui du mode de décision reste encore à choisir, pour éviter la dictature majoritaire, la dictature minoritaire, les manipulations, etc.
Pour moi, la clef, c’est la bienveillance. Et elle passe (encore) par l’éducation (celle des enfants, celle des adultes, des parents, des non-parents, l’éducation populaire, etc). Et cette éducation doit être elle-même bienveillante. Elle s’auto-démontre, s’auto-construit.
Une fois comprise, la bienveillance est une attitude active incluant — notamment, mais pas que — la conscience de soi, et celle de l’autre. La conscience que soi et l’autre sont égaux, et liés, même si nos intérêts sont différents. Quelque part, ils se rejoingnent dans le besoin de coopération. La bienveillance adresse donc de fait toutes les problématiques de gouvernance, de décisions, de pouvoir, en les rendant inutiles ou obsolètes.
Les formes de gouvernances et de décisions connues aujourd’hui sont nécessaires parce que les gens sont violents (et éduqués pour ça). Il faut « contrôler le pouvoir », sinon la violence s’accroît. Ces formes de gouvernance et de décision sont donc des conséquences de la violence, pour la réduire, la maîtriser. Je propose plus simplement de l’abolir, pour se passer de toutes ces “choses”, compliquées au demeurant.
Je constate cependant que la bienveillance est encore un concept flou — et déjà dévoyé, via la CNV utilisée pour manipuler les gens en entreprise. On me taxe encore souvent de bisounours (bel argument de l’homme de paille, au passage). C’est compréhensible et normal : la société, notre civilisation, sont encore majoritairement violentes.
Mais l’être humain grandit, mûrit, petit à petit la bienveillance avance. La violence éducative ordinaire recule, dans les pays du nord par exemple. L’empathie, ce mot encore inconnu il y a 20 ans, fait son chemin. Le niveau de pratique est encore balbutiant, maladroit souvent, mais peu importe, il est là, et il grandit. À chaque fois, c’est un pas dans le bon sens. Patience et confiance.
Nous écrivons donc Corinne et moi une thèse sur le sujet (la violence systémique et la civilisation bienveillante), incluant une bibliographie politique, philosophique, sociologique, et scientifique assez conséquente.